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Ousmane Mbaye, Artiste by Design

Temps de lecture : 12 minutes

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Rédigé par La rédaction / 15 Oct 2024 à 14:41

Quelle est la différence entre un designer et un artisan ?

Un designer est un créateur. Il crée à partir du néant quelque chose qui n’existait pas. Un artisan est un « ouvrier » riche de tout un savoir-faire.

Vos dernières créations sont plus colorées, plus douces. D’où vient cette évolution ?

J’apprends à me bonifier avec le temps. Je n’ai pas envie que l’Afrique soit un genre de ghetto où tous les designers africains travaillent avec la récup’. Le métal recyclé est une matière brute comme une autre. Son histoire ne m’intéresse pas. Pour moi, toute matière est noble, cela dépend de ce que l’on en fait.

Dans mon évolution d’artiste designer, j’ai toujours été ouvert à beaucoup de techniques. Je regarde énormément de choses autour de moi. Je me suis rendu compte que je portais des habits qui ne m’appartenaient pas. Mon travail était plus rustique, focalisé sur la matière. Aujourd’hui, je m’affirme autrement.

En quoi portiez-vous des habits qui ne vous appartenaient pas ?

Je voulais me conformer à la vision de l’autre sur le « design africain ». En faisant cela,  je n’acceptais pas ma véritable identité. J’ai lâché ces habits pour me retrouver moi-même, avec les contraintes de mon environnement et mes envies. Ne pas être obligé de revendiquer quoi que ce soit, juste m’affirmer simplement en travaillant avec les moyens à ma disposition, pour en faire quelque chose de bien.

Cela m’a permis de réaliser récemment une nouvelle gamme de mobilier avec zéro récup’. La couleur est traitée au même tire que la matière. Cela me pousse à aller plus loin.

Ne plus chercher à prouver quoi que ce soit, mais simplement s’écouter et faire ce qu’on a envie

De quelle façon ?

Avant je travaillais avec ce qu’on appelle des matières premières secondaires, en l’occurrence des fûts de pétroles que je recyclais. J’étais limité par leur format et leurs teintes d’origine qui sont les couleurs primaires. Aujourd’hui, je me suis libérée de cette contrainte, ce qui me permet de concevoir un meuble du début à la fin tel que je le souhaite. J’utilise des couleurs plus fraîches et contemporaines, notamment dans les tons pastels. Je sais à quel point la couleur est déterminante pour que mes meubles puissent exprimer certaines émotions. Je suis plus libre dans ma démarche de création.

Comment est venu ce changement ?

Le fait de s’accepter. Ne plus chercher à prouver quoi que ce soit, mais simplement s’écouter et faire ce qu’on a envie, c’est cela qui me pousse à avancer. J’ai juste envie de travailler sur des choses que j’aime et de partager mon amour.

Est-il possible de faire des créations destinées au public sans pour autant chercher à lui plaire ?

En premier lieu, je travaille pour moi. Je ne fais que des choses que j’aime. Je suis inspiré par les moments que je passe avec les gens, la sensibilité que je capte, l’énergie, les rencontres, la nature : tout est bon. Mon travail ne peut pas plaire à tout le monde, alors je le fais d’abord pour moi et si les gens réussissent à capter ça : tant mieux !

Comment s’est déclenchée cette nouvelle vision des choses ?

Je pense que c’est la maturité. Le fait de pouvoir s’observer et se dire : voilà, ça c’est moi et je prends tout, le bon comme le mauvais.  Je m’assume tout simplement. Le côté sensible, le côté émotionnel, le côté raffiné, le côté doux, le côté brut, tout ça là, c’est moi ! (sourire) Donc je laisse tous ces sens s’exprimer.

N’y a t-il pas un danger à laisser s’exprimer ses côtés négatifs ?

Dans la créativité, c’est tout cela qui ressort. Les moments de tristesse comme de bonheur sont transposés dans le travail pour en faire quelque chose de positif. C’est une sorte d’échappatoire dans le but de générer du bonheur. Les gens qui le reçoivent doivent être touchés, ça doit leur faire du bien.

Même la colère peut faire du bien ?

Bien sûr, une fois que c’est posé il n’y a plus de colère. La colère est toujours animée par une incompréhension. Et puis, il n’y a pas que des mauvaises colères, certaines sont légitimes.

On sent en vous de la sérénité ?

Beaucoup de sérénité et de douceur. Je ne suis plus combatif. Je ne perds plus d’énergie et je ne m’oblige plus à rien. Je ne m’entoure que de gens avec des ondes positives. Je ne perds plus de temps. Je me fais plaisir.